
Une tristesse de clown

It’s 5:00 AM. I wish I slept two more hours in this comfortable bed that is hosting me for a night.
I arrived the day before in Rennes, a French city that is very dear to my heart, for many reasons. But that is for another day, if ever. I enjoyed my evening in the city. I strolled by the lively and beautiful streets of its downtown and had a nice meal at one of its restaurants, although I could have used some company.
It’s 5:00 AM and dark outside. I relinquish to switch on the light and read. Instead, I grab my phone, put on my earbuds and look for some relaxing music, in the hope it will help me wander the realm of dreams until the sun rises.
I notice one of my favourite vinyl stores sent me its weekly email, with a selection of new albums and tracks. They have a corresponding playlist, as every week, on one of the streaming platforms.
I hit play and almost instantly, I feel goosebumps all over my body. I can’t believe my ears. I look at the dimly lit screen of my phone to read the name of the track. Udhero Na. By Arooj Aftab, featuring Anoushka Shankar.
Strong emotions rush all over my body. I feel an infinite peace. Udhero Na touches me deeply. The voice. The instruments. The melancholic yet serene melody. I lack the proper words to describe what I feel, what I hear.
I toggle repeat. And I listen. Over and over.
This music would be perfect for appreciating paintings by Edward Hopper. Paintings that wonderfully capture the past and the future in such a mesmerising way. Paintings that inhabit your heart and soul. Paintings you can never unsee. Yet, should we be deprived of emotions, of feelings, we would discard such an art, which depicts unassuming snapshots of life, finding it greatly disappointing.
If you had the opportunity to see Hopper’s New York Movie, which he painted in 1939, while listening to Udhero Na, you would understand what I’m trying to convey.
It’s 7:00 AM. I went back to sleep without noticing. The sun is shining and I can hear birds singing. Or is that Arooj whispering in my ear?
Meudon est une petite ville située à moins d’une dizaine de kilomètres de Paris et de sa Seine, mais trop loin de l’océan. Pourtant, en août 2021, les promeneurs attentifs aux soubresauts du monde qui les entoure et aux variations de l’atmosphère qui les nourrit pouvaient sentir l’air chargé d’iode et d’embruns lorsqu’ils longeaient les locaux de Quidam éditeur.
S’ils pouvaient transpercer les murs du bâtiment, furent-ils dotés des aptitudes d’Arzach, personnage créé par Mœbius, sous le signe duquel cette maison d’édition a été créée en 2002, ils auraient résolu le secret de ce qui ne pouvait s’expliquer par le changement climatique et son inéluctable montée des eaux.
Ultramarins, premier roman de Mariette Navarro, une dramaturge ayant mouillé sa très belle plume dans les eaux enivrantes de la poésie et les côtes chamarrées du théâtre, venait de sortir de presse. Il attendait sagement son heure, là, au 10 rue d’Arthelon, pour alléger les corps de ses futurs lecteurs des poids qui les écrasent et maintiennent leurs esprits dans l’étau du quotidien.
Nous y suivons un cargo de marchandises, têtard parmi tant d’autres, charriant des marchandises à travers l’Atlantique pour assouvir cette consommation frénétique sans laquelle, nous dit-on, le bonheur ne serait point possible.
Bal incessant de conteneurs colorés fendant l’océan à vive allure. Monde parfaitement huilé par les radars, les procédures minutieuses et les monceaux de paperasse qui ont remplacé le mélange d’exaltation, de peur et d’incertitude dont se nourrissaient tous les marins à une certaine époque.
Ne devrait-on pas s’accorder un pas de côté, un peu de hors champ, pour remettre du sel dans notre sang et nos vies ? Voici l’idée soumise à la commandante du navire. Et voilà, contre toute attente, qu’elle acquiesce. Et c’est ainsi qu’on s’arrête pour s’octroyer une baignade en pleine mer et, en plongeant, disparaître un temps là où le bourdonnement humain ne viendra pas nouer le dos et briser l’échine.
Cette parenthèse fermée, on essaie de reprendre ses automatismes pour écarter le doute en s’oubliant dans sa tâche. Mais des traces de rouille apparaissent, ici et là, dans les esprits des marins, et viennent perturber le voyage. Car, en détraquant ainsi la routine, en réintégrant dans le cadre qu’on a quitté brièvement, on a ramené ivresse et mystère.
Je m’arrête ici, vous invitant à vous embarquer dans la lecture de ce roman très élégant et fluide, au lyrisme fort bien dosé. Et, une fois de retour, sur la terre ferme de la réalité dont nous sommes tous les auteurs-acteurs, peut-être que vous aussi vous tenterez de prendre un chemin de traverse plutôt que celui, bien balisé, tout tracé, mais qui fleure bon le fricot.
Commençons par l’essentiel : Bloodstrike Brutalists est le meilleur comics que j’ai lu en cette année de disgrâce. Point barre.
Puis développons pour celles et ceux qui veulent en savoir un peu plus, et qui ne s’offusquent guère quand le texte dépasse les 280 caractères.
C’est en me baladant virtuellement dans la galerie de bandes dessinées sélectionnées pour le grand prix du prochain festival d’Angoulême que je suis tombé sur Michel Fiffe, un auteur que je ne connaissais absolument pas. Panorama, son album en compétition, est sa première œuvre traduite en langue française. Après en avoir lu le descriptif et regardé quelques planches, j’ai tout de suite senti que j’allais aimer. Je l’ai donc commandé et, en boulimique du 9e art (mais pas que), je me suis saisi de deux autres œuvres : Copra, une série en six tomes, dont j’ai récupéré quatre pour le moment (pas encore lus) et le fabuleux Bloodstrike Brutalists, un revenge comics de premier plan.
Dessiné comme un fanzine, il s’agit d’une ode à Bloodstrike, une série de comics qui fit sa première apparition dans les années 90, chez Image Comics, maison d’édition créée par d’anciens auteurs Marvel, et pas des moindres, qui ont bien secoué les codes du genre et lui ont donné un second souffle.
Fiffe, en fan inconditionnel de cette série, a voulu lui rendre hommage ainsi qu’aux auteurs emblématiques qui y ont officié. Je vous arrête tout de suite : c’est la toute première fois que j’entends parler de cette série, pourtant Dieu sait combien j’en ai mangé (et continue de le faire en « adulescent » acharné), mais cela n’a absolument pas gêné ma lecture.
Bloodstrike Brutalists ne cache pas sa filiation et se permet même des clins d’œil à Marvel avec, notamment, Deadlock, un Wolverine au rabais qui se fait dézinguer quasiment à chaque mission menée avec ses colistiers, tous au service d’un gouvernement américain plus que douteux. Et quand ces moyennement-superhéros, aux pouvoirs qui ne font pas franchement rêver, se font dessouder, et cela arrive régulièrement, ils sont ramenés à la vie grâce à une invention révolutionnaire, mais pas tout à fait au point.
Mais voilà qu’un sacré grain de sable vient enrayer une mécanique pas franchement bien huilée, lorsque Tag, membre du groupe Bloodstrike, découvre un sacré pot aux roses et se lance, en mode berserk, dans une vengeance à tout cramer. Mais telle une omelette, cela ne se fait pas sans casser les œufs du pouvoir.
L’univers de Bloodstrike Brutalists se découvre petit à petit. Et j’adore cela. Cela me change grandement des scénarios prémâchés à la Marvel (ou Netflix), où on t’explique tous les ingrédients qu’il y a dans ton burger avant de te t’autoriser à le becqueter. Mais c’est oublier le bonheur qu’éprouvent les commensaux en découvrant, à chaque bouchée, ce que contiennent les mets dont ils se délectent. Au début on est un peu déroutés, mais au fur et à mesure que les papilles s’habituent à la chose, les pièces du puzzle se mettent en place.
Bref, vous l’aurez compris, Bloodstrike Brutalists est pour les comics ce que sont les écrevisses du lac d’Annecy au surimi. Mais si vous préférez le surimi, je ne vous admonesterai point.